Qu’est-ce qu’un territoire ? Un bout de terre habité, partagé, bordé de frontières, en perpétuelle transformation. Cet espace géographique peut se caractériser par des spécificités culturelles, environnementales ou naturelles, mais également par une appartenance juridique. Il se définit politiquement et économiquement.
En médecine, on parle d’un ensemble composé des organes, des muscles et des portions cutanées auxquels se distribuent un vaisseau ou un nerf. Les villes ne sont-elles pas des organes ? Les populations, des muscles qui se contractent, se densifient, tantôt en activité, tantôt au repos ? La peau et ses trois couches d’épithélium à la surface de chaque terre ? Les vaisseaux dédiés aux ravitaillements des habitants, l’influx nerveux des circulations routières ou des zones à caractère sensible ou prioritaire?
Vision certes poétique mais qui est la porte d’entrée des réflexions menées par la Cie Née d’un doute créée en 2013.
Depuis la Cie ne cesse de se questionner sur la place de l’artiste dans la sphère sociale et politique actuelle. Le faire et être ensemble. La question du « nous » en tant que sujet collectif et non une addition de « je » individualisé. Un « nous » qui pourrait habiter le monde autrement, en élargissant la notion du « je » à tout ce à quoi ce « je » peux ou veux se relier. Une interdépendance des citoyens entre eux, des citoyens et des espaces.
Le constat que nous faisons en écrivant ces lignes, est que l’artiste ne peut exister sans territoire, sans sol à fouler, à malaxer, sans substrat à extraire, sans un « nous » de partage et d’échange. Poursuivre et brandir en fer de lance notre attachement à travailler « l’humain », voilà ce que nous défendons.
La place de l’artiste est d’ouvrir des portes d’accession aux connaissances sur le monde, sur la société, sur l’environnement proche et plus étroitement sur soi. Et le réseau par lequel ces poésies (peut-être utopistes) peuvent s’infiltrer, il est terrien.
Il est celui du territoire. Celui que l’on côtoie, que l’on expérimente, que l’on vit, que l’on habite. Puis il s’agit ensuite d’étendre ce rhizome.
Ce qui fait aujourd’hui la singularité de la Cie, c’est de partir du présent en humant l’atmosphère, en cherchant à faire avec l’existant.
Projeter, prévoir, envisager peut finalement être associé à une forme de passé. C’est pour moi une façon de m’outiller pour aller de l’avant afin que le moment venu, à l’instant t, je sois en mesure de réagir avec le plus de justesse et de finesse possible. Partir de ses sensations, oui, mais ne jamais agir sous le coup de l’émotion. Ici et maintenant, je vois, j’imagine, je ressens.
Camille & Laëtitia pour la Cie Née d’un Doute